Dans cette campagne, nous avions eu les appels de hauts fonctionnaires ou ex-fonctionnaires à s'allier avec l'Udf, sous le nom de Spartacus ou de Gracques. Ce qui les motivait semble être l'acceptation par les socialistes non seulement des règles de l'économie libérale, mais aussi des valeurs du nouveau capitalisme.
On peut comprendre ce positionnement tant ses auteurs ressemblent plus à des Gracques 40 qu'à des esclaves essayant de se libérer de leurs maîtres.
Mais, Vendredi 13 aidant, Michel Rocard a décidé d'apporter sa pierre à ce triste exercice de déconstruction du clivage droite-gauche. D'aucuns diront que cela est maladroit ou mal interprété. Je crois pour ma part qu'en lançant son appel à l'alliance entre Ségolène Royal et François Bayrou dès le 1er tour, Michel Rocard portera une responsabilité historique, celle de la confusion.
En effet, il nous propose ni plus ni moins que de tirer un trait d'égalité entre Ségolène Royal, sa personnalité, ses valeurs, ses propositions et François Bayrou. Comme si l'une valait l'un et réciproquement. Mais dans quelle démocratie Michel Rocard a-t-il trouvé pareille équation ? Et surtout dans quels actes et quelles propositions de François Bayrou a-t-il trouvé pareille proximité ?
Ségolène Royal a écarté tout de suite l'alliance avec la voiture-balais de la droite en déclarant : "Un certain nombre de candidats ont intérêt à la confusion. Ils ne veulent pas la confrontation des projets car ils seraient obligés de rendre des comptes sur le bilan. Moi, je veux rassembler au deuxième tour toute la gauche, et au-delà tous ceux qui veulent que cette élection soit utile, tous les électeurs républicains et humanistes."
Mais la leçon de la campagne de Chirac en 1995, celle de la fracture sociale (on allait voir ce que l'on allait voir), ne semble pas avoir portée. Certains continuent de prendre des vessies pour des lanternes !
Dans la suite de la note vous trouverez un petit aperçu argumenté sur la personnalité de François Bayrou.
Une supercherie politique
I) François Bayrou dans les faits
• Il a été ministre d’Édouard Balladur puis de Jacques Chirac, de 1993 à 1997. Sur l’ensemble de la dernière législature, l’UDF a voté tous les textes majeurs, et presque toutes les lois importantes.
• Son engagement était très explicite dès juin 2002 lorsqu’il indiquait « voter UMP ou UDF mais en tout cas pas voter socialiste » et lorsqu’il rajoutait « Il faudra entre l’UMP et l’UDF des relations suivies et une organisation de notre travail en commun sur la base d’un partenariat. Préparons-le d’ores et déjà ».
• François Bayrou dirige un parti où tous les élus travaillent avec l’UMP, dans les régions, les départements et les municipalités et attendent pour refaire des accords électoraux avec le parti de Nicolas Sarkozy.
• François Bayrou a souvent pris ses distances avec les principes de laïcité, que ce soit en 1994 (loi Falloux), comme ministre de l’Éducation nationale, ou bien pllus récemment, en se prononçant contre la loi sur le port des signes religieux ostensibles à l’école.
II) François Bayrou dans les idées
A lire son projet, François Bayrou ne se distingue pas de Nicolas Sarkozy. Il est l’autre candidat de la droite.
– Sur les salaires, il propose comme Nicolas Sarkozy d’exonérer les entreprises de charges sociales sur les heures supplémentaires, ce qui aura pour effet de dissuader de nouvelles embauches.
– Sur l’emploi, il veut supprimer les charges de toute entreprise qui créera deux emplois. Il ne distingue pas les grosses (qui n’ont pas besoin de cette aide) des petites.
– Sur le travail, il adopte comme l’UMP, l’idée d’un contrat de travail unique, sur le modèle du CPE.
– Sur la fiscalité, il est à l’unisson de la droite puisqu’il s’apprête à réformer l’ISF et les droits de succession. En revanche, il suggère de remplacer les cotisations sociales patronales perdues par une TVA sociale que tous les consommateurs paieraient…
III) François Bayrou a une posture : celle de la confusion
Il a un objectif : permettre à une variante de la droite de gagner sur un malentendu comme en 1995.
Il n’a qu’un mandat commun à toute la droite : obscurcir les enjeux de la campagne, en empêchant un réel changement social et politique.
Voter François Bayrou, c’est prendre le risque d’empêcher la gauche d’être au second tour. Ségolène Royal est la seule candidate du changement, Dès le premier tour, pour gagner au second.
Salut Nicolas,
je serais curieux de savoir ce que le Grand Louis pense de tout ça, lui qui a été un fidèle de Rocard doit trouver cette erreur de jugement bien triste...
Rédigé par : Michel | 14 avril 2007 à 17:51
Je ne suis pas son porte-parole, mais je crois que c'est bien ce qu'il a exprimé hier soir devant le Cocorico.
Rédigé par : Nicolas | 14 avril 2007 à 20:37
en même temps au second tour, il faudra rassembler bien au delà de la gauche pour battre sarkozy, et je trouve que l'appel de rocard et kouchner est de nature à susciter la dynamique de ressemblement nécessaire à la victoire !
Rédigé par : emmanuel | 14 avril 2007 à 21:37
Emmanuel,
Voilà un beau débat ! Je pense qu'il n'est pas besoin de tendre la main à François Bayrou pour déclencher une dynamique de victoire au second tour et ce pour quatre raisons simples :
1. Pour espérer gagner le second tour encore faut-il y être ! Ce n'est pas fait.
2. Pour tendre la main encore faut-il savoir à qui. François Bayrou se cache et ment aux Français depuis le début de la campagne. Dans ces conditions que peut-on négocier avec cet homme ?
3. Le second tour c'est une dynamique pas des mathématiques. Les électeurs de Bayrou devront faire un choix en leur âme et conscience. Point n'est besoin d'un mot d'ordre du Président de l'Udf pour cela et franchement qui peut croire qu'il le fera. Ce serait en totale contradiction avec toutes les alliances de son parti !
4. Cette raison est la plus importante : je ne crois pas qu'une victoire de rassemblement de l'ensemble de la gauche et une victoire d'union des démocrates aient le même sens et donc les mêmes effets pour nos vies quotidiennes.
Rédigé par : Nicolas | 15 avril 2007 à 00:37
je suis d'accord avec toi sur ces 4 points, mais ...
1 . le niveau de la gauche est historiquement bas;
2 . je crois que la nouvelle posture de françois Bayrou est sincère et courageuse et qu'elle ne relève pas de l'imposture, contrairement au "petit césar" bayrou parait avoir réellement changé;
3 . Une part non négligeable de l'électorat socialiste semble s'apprêter à se ranger au premier tour derrière Bayrou;
4 . Face à une droite décomplexée, revencharde et conquérante, il faut donner un signe à ceux qui au centre droit ne se reconnaissent pas dans la candidature de sarkozy.
Rédigé par : Emmanuel | 15 avril 2007 à 12:00
Emmanuel,
Je suis peut-être d'accord sur ton point 4, mais en ce qui concerne le changement de François Bayrou, je crois que c'est Saint Thomas qui a raison.
Oui, Saint Thomas, celui qui veut voir avant de croire !
Pour ce qui est des électeurs socialistes qui s'apprêteraient à voter Udf, je crois qu'ils font une lourde erreur. D'une parce qu'ils risquent de priver la gauche de la victoire, mais aussi parce que, même en cas de victoire, ils privent la gauche de sa capacité à réformer.
En effet, comment interpéter leur message ? Nous pourrions courir tout droit vers l'immobilisme ! Je sais courir vers l'immobilisme, cela ne se fait pas... Pas plus que se dire de gauche et voter Udf !
Rédigé par : Nicolas | 15 avril 2007 à 21:20
Cet article collectionne à peu près tous les poncifs lus dans les médias de Libé au Monde. Trait d'union entre Royal et Bayrou, Gracques 40, dynamique mathématique ... Il faudrait citer vos sources et produire des idées originales.
Sinon, le point 4 censé être le plus important est contredit par le rapport de forces existant en France entre droite et gauche. Vouloir donner à la victoire de Royal le sens d'une majorité des gauches serait une supercherie totale. Les français ne seraient pas dupes. Si on veut que Royal imite Chirac et ses 82%, on peut faire comme ça. Et l'échec sera au bout.
Acceptons l'idée que les gauches aujourd'hui ne peuvent pas gouverner seules et nous aurons fait un pas vers la modernité. La gauche plurielle ne vous a pas suffi ?
Rédigé par : Aiglon | 17 avril 2007 à 21:39
Peut être faut il que nous prenions un tabouret très très haut pour arriver à la hauteur de la pensée de Michel Rocard. Ne trouvez vous pas suprenant le fait que la dégringolade de Segolène Royal ait cessé depuis l'intervention de Michel Rocard?
peut être a t il mieux compris que vous les difficultés de la campagne et les moyens d'y remédier?
il ne suffit pas de ramer comme un fou pour arriver au port, encore faut il savoir où se trouve le port. manifestement, Rocard a encore de beaux jours de vision et d'honnéteté politique devant lui.
Rédigé par : selene | 17 avril 2007 à 22:02
Mon cher Aiglon,
Je vois, à la lecture de votre blog que vous êtes comme moi adhérent du PS.
Cela ne nous empêche pas d'être en désaccord sur cette question. Je ne crois pas que la gauche puisse se satisfaire d'abandonner les classes populaires par de telles alliances. Que l'on me prouve que l'Udf est à gauche, c'est-à-dire prête à défendre ces intérêts là et je veux bien revenir sur mes propos...
Par contre, mon cher Aiglon, désolé que mes propos ne satisfasse pas votre quête de nouveauté (ça ne doit pas empêcher de rester poli). Parfois certaines recherches de modernité sonnent à mes oreilles comme des abandons, que voulez-vous on ne se refait pas !
Rédigé par : Nicolas | 17 avril 2007 à 22:03
Selene,
Peut-être l'intervention de Michel Rocard est-elle tactique, peut-être...
Pour ce qui est des sondages, regardez tout de même la date de réalisation des sondages.
Indéniablement ils commencent à s'améliorer, mais pour d'autres raisons.
Rédigé par : Nicolas | 17 avril 2007 à 22:08