J'ai bien entendu l'oreille attentive à ce qui se passe du côté de la Martinique et de la Guadeloupe.
On peut retenir tout d'abord un duel à distance. Le toujours Ministre de l'Intérieur se pare de toutes les vertus en déclarant à Poitiers que "si certains veulent tirer la campagne vers le caniveau, je ne les suivrai pas", on croit rêver... Ségolène Royal, en meeting à La Trinité déclare "Depuis plusieurs mois, en cette fin de règne interminable, ceux qui devraient avoir le sens de l'Etat le détournent, ceux qui devraient normalement assurer la vérité la transforment, ceux qui devraient garantir la transparence et le bon fonctionnement des institutions manquent à tous leurs devoirs et utilisent même les services de l'Etat à des fins personnelles".
Mais bien entendu, ce voyage Outre-Mer est avant tout centré sur la politique, la vraie. C'est en cela que l'entretien que Ségolène Royal a eu avec Aimé Césaire est important. Césaire, c'est le combattant infatigable de l'oppression : "Je suis de la race de ceux qu'on opprime".
C'est aussi le fondateur dans les années 30, avec Léopold Sédar Senghor, de la "Négritude" en réaction au colonialisme. Pour ces jeunes intellectuels, la négritude permet de revisiter leurs racines africaines, de les faire vivre, afin d'être au monde. Loin d'être une vision partisane et raciale, c'est un humanisme actif, à destination de tous les opprimés de la planète.
L'occasion pour Ségolène Royal de rappeler que "Le métissage, je le dis ici, est une chance pour la France. Je serai la présidente de la France métissée et qui se reconnaît comme telle". Deux ans après la loi du 23 février 2005, qui reconnaissait "les bienfaits" de la colonisation et avait provoqué un tollé contre la droite ; et alors que la menace Le Pen rôde toujours, cette rencontre était bienvenue.
.Voici un petit extrait du Discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire, un texte d'une cruelle actualité si vous le lisez en pensant à l'Irak...
« Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au Viet Nam une tête coupée et un oeil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées. de tous ces prisonniers ficelés et interrogés, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. [...] »
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