Dans son dernier livre, Le Monde comme je le vois, Lionel Jospin déplorait l'émergence d'un "groupe de privilégiés" qu'il baptisait "nouvelle aristocratie" et qu'il opposait à la "masse des salariés" contraints de "faire des sacrifices".
Il parlait d'une "sorte de caste qui mêle les habitudes de l'ancienne bourgeoisie et les réflexes neufs d'une couche conquérante". Elle se compose d'une "alliance implicite entre des grands dirigeants d'entreprise, des financiers, des cadres élevés de l'industrie et des services, certains hauts fonctionnaires de l'Etat et des privilégiés des médias". "Ce groupe enjoint aux autres catégories sociales de faire des sacrifices" en expliquant qu"'il faut inévitablement réduire les coûts de production" et "réduire la taille de l'Etat-providence".
Or, en retour, "on ne saurait toucher aux profits, imposer davantage le capital, limiter les salaires extravagants" de cette "nouvelle aristocratie", déplore-t-il. "Patrons et managers, loin de s'appliquer à eux-mêmes la culture du risque qu'ils professent, construisent à leur propre profit des mécanismes hautement protecteurs (ces fameux golden parachutes)". Pour Jospin, ce "contraste divise l'entreprise et la nation".
Aujourd'hui, nous apprenons que l'ancien PDG d'Airbus et co-président du groupe EADS, Noël Forgeard, a touché plus de 8,5 millions d'euros à son départ de la société en juillet 2006. L'Etat, étant actionnaire du groupe, a forcemment autorisé le versement de telles indemnités.
Faut-il rappeler que le plan Power 8, justifié par la mauvaise santé d'EADS, prévoit 10 000 suppressions d'emplois à Airbus !
Face à un tel cynisme, on se demande si les mots suffisent. Je crois que Noël Forgeard est le symbole même de ce que décrivait Lionel Jospin. Les plus-values qu'il a réalisées à l'occasion des cessions de parts intervenues avant l'annonce des difficultés d'Airbus doivent être rendues, de même que ces indemnités de départ exorbitantes.
Ségolène Royal a eu raison de l'exiger tout en rapellant son engagement d'encadrer par la loi le montant et les conditions de versement des rémunérations des dirigeants, en particulier les stock-options et les indemnités de départ de toutes natures.
Mais il faut aussi en assurer la pleine transparence, donc la publication obligatoire. Il est anormal de connaître plus de 6 mois après le montant de ces "indemnités". 8,5 millions d'euros peuvent donc se déplacer sans un bruit ?
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