Connaissez-vous la dernière blague qui circule à propos de l'INSEE ? Un statisticien, c'est quelqu'un qui vous dit que si vous mettez la tête dans le four et les pieds dans le frigo, en moyenne ça va, vous êtes à la bonne température.
C'est un résumé du problème que rencontre la société française. En moyenne l'INSEE dit depuis plusieurs années que le pouvoir d'achat augmente régulièrement. L'institut indique aussi que le "pacte de stabilité" préconisé par les pouvoirs publics lors du passage à l'euro a été globalement respecté.
Comment expliquer alors le sentiment de dégradation continue du pouvoir d'achat et de vie chère ? Chacun le voit, le Samedi, au moment de payer le contenu de son caddie. Comment expliquer aussi que de nombreux français continuent d'incriminer le passage à l'euro comme facteur d'augmentation des prix ?
Les explications sont multiples et complexes à l'image de notre société.
La première explication est le décalage entre d'une part l'annonce de chiffres officiels positifs par l'INSEE et la situation vécue par nombre de ménages. Ainsi pour le calcul de ses indices de prix, l'institut considère que les loyers représentent 6% des budgets des ménages, car il aditionne l'ensemble des Français, propriétaires ou locataires. Or, 50% des ménages sont locataires et ils consacrent entre 20 et 25% de leurs dépenses au paiement du loyer.
La seconde est peut-être aussi dans les changements de structure de consommation. En effet, les Français ont de plus en plus de dépenses contraintes, revenant chaque mois. Logement, chauffage, éclairage ont ainsi atteint un record en 2005 avec la hausse des loyers et la flambée des prix de l'énergie. Mais pour beaucoup, il faut encore y ajouter l'abonnement mensuel à internet, au téléphone mobile, au cable... La vigilance est donc de mise pour les dépenses courantes sur lesquelles nous pouvons encore agir.
Enfin, mais c'est enfoncer une porte ouverte de le dire, l'explication majeure tient au fait que dans notre société les inégalités définissent de nouvelles frontières entre individus. Cela les statisticiens ont du mal à le percevoir, car ils n'ont pas les moyens légaux pour l'apréhender. Il en est ainsi de l'endettement. En 2005, le recours au découvert bancaire concernait un ménage sur quatre ! Or, le poids des remboursements n'est pas le même selon que l'on est en situation de négocier ou pas. De même, la hausse de l'essence touche plus les plus pauvres, qui vivent souvent plus loin de leur lieu de travail, etc.
Ainsi, les ralentissements ou les baisses de pouvoir d'achat semblent très ciblées sur les jeunes de moins de 30 ans, les ouvriers, les employés, les professions intermédiaires et les chômeurs.
Répondre à l'angoisse de la vie chère, c'est donc réduire le décalage entre les chiffres "officiels" et les réalités vécues, en donnant les moyens aux statisticiens de mieux éclairer le débat public.
Mais cela n'a de sens que si dans le même temps une politique de grande ampleur est menée pour soutenir le pouvoir d'achat de ceux qui en ont le plus besoin. C'est tout l'enjeu du bouclier logement, du SMIC à 1500 euros, de la sécurité sociale professionnelle, du service public de la caution. Enfin, c'est surtout l'enjeu d'un nouveau pacte social qui permette, grâce à une démocratie sociale rénovée, de permettre une plus juste répartition entre capital et travail.
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