Ce soir, au Panthéon, Jacques Chirac rend un hommage solennel aux Justes de France en dévoilant une plaque portant l'inscription : « Bravant les risques encourus, ils ont incarné l'honneur de la France, ses valeurs de justice, de tolérance et d'humanité. »
Les Justes parmi les Nations, ce sont des héros de l'ombre qui, pendant la Deuxième Guerre mondiale, ont hébergé, caché et sauvé des Juifs de la mort, au péril de leur vie. Faisant cela, ils ont, à l'instar des résistants, sauvé l'honneur de la France.
L'État d'Israël les a reconnus officiellement et ils sont honorés dans le cadre du Mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem. Malheureusement, l'hommage est tardif et seuls 240 Justes français sont encore en vie.
Mais leurs descendants se souviendront à cet occasion que face à la barbarie, à l'indifférence et à la peur, leurs ainés ont fait le choix de défendre l'unité de l'humanité et la dignité universelle de chaque être humain.
Dans la suite de la note, vous trouverez la tribune du Président du Comité directeur de Yad Vashem, parue dans Le Figaro.
En reconnaissant les Justes, nous honorons le meilleur en l'homme
Avner Shalev est Président du Comité directeur de Yad Vashem, le Mémorial du souvenir des victimes et des héros de la Shoah établi par la Knesset (le Parlement israélien) en 1953. Situé à Jérusalem, il est consacré au souvenir, à la documentation, à la recherche et à l'éducation sur la Shoah.
C'était le printemps 1944 et le destin de la famille Librati, des Juifs de Saint-Fons, était sur le point de se jouer. Les menaces de déportation et de mort qui planaient constamment pendant cette période incitèrent Georges Amblard, l'employeur de M. Librati, à prendre sous sa protection la famille de son employé. Tout d'abord, il plaça sept des enfants Librati dans des familles d'accueil, dans la région de La Tour-du-Pin, et s'assura qu'ils ne manquaient de rien. L'aîné des enfants, Maxi, avait déjà été arrêté auparavant et déporté vers Auschwitz. En avril 1944, après une descente de la Milice française au domicile des Librati, M. Amblard décida de procurer aux membres restants de la famille un lieu de sécurité relative, tout en continuant à payer le salaire de son employé. Grâce à cette action, la famille Librati n'a pas subi les horreurs de la Shoah qu'ont connues la plupart des Juifs d'Europe et a pu survivre à la guerre.
Georges Amblard fait partie des 21 000 personnes dans le monde qui ont été reconnues, depuis la création de Yad Vashem, comme « Justes parmi les Nations » : des non-juifs qui ont risqué leur vie pour sauver des Juifs pendant la Shoah. Ces gens, la plupart du temps des gens simples, ont agi dans le secret, en prenant des risques personnels considérables, sans bénéficier d'aucune aide de la part de leurs concitoyens. Les nazis considéraient qu'aider les Juifs était un crime capital ; ceux qui se faisaient prendre pouvaient être déportés et trouver la mort dans les camps de concentration. Les actions des Justes sont des actes de suprême héroïsme, non moins méritants que ceux des soldats sur le champ de bataille. Aujourd'hui, le président Jacques Chirac a décidé d'honorer ces individus exceptionnels et courageux au Panthéon, leur permettant de rejoindre pour toujours la mémoire immortelle des grands hommes de l'histoire de France.
Les Justes parmi les Nations diffèrent les uns des autres par leur nationalité, leur statut social et leur culture, mais ils se rejoignent sur un point essentiel : ils ont fait « le juste choix ». Lorsqu'on leur pose la question « Pourquoi avez-vous fait cela ? », celle-ci leur semble presque incongrue, comme s'il s'agissait d'un acte banal, et pourtant nous savons qu'ils étaient l'exception. Dans un monde où les valeurs humaines étaient inversées, ils ont agi selon les principes les plus nobles de l'humanité : ne pas tourner le dos aux personnes dans le besoin. En reconnaissant les Justes, nous honorons ce qu'il y a de meilleur en l'homme. Le concept de « Juste parmi les Nations » symbolise l'intégrité de l'esprit humain de ceux qui, par leurs actes, se sont opposés au Mal suprême qui inonda l'Europe du XXe siècle. Comme êtres humains, nous croyons que l'homme a le libre choix d'aller vers le mal ou vers le bien ; ces Justes que Yad Vashem identifie et honore ont choisi le bien, envers et contre tout.
À chaque cérémonie honorant un Juste parmi les Nations, je suis bouleversé de voir les familles de ceux qui furent sauvés : ce sont tous des « survivants ». De la même manière, je suis bouleversé devant l'humilité et la modestie des sauveurs, qui se considèrent comme des gens ordinaires.
Les Justes parmi les Nations méritent de servir d'exemple ; ils sont un modèle éducatif de premier ordre. Il est important que les prochaines générations sachent que, face à la brutalité et au meurtre, face à la collaboration, au silence et à l'indifférence, des gens se sont comportés différemment ; ils n'étaient qu'une poignée mais ils ont pu le faire.
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